Rencontre avec LUC CAPUS, chef chocolatier chez PILLON à TOULOUSE


En ce mois d’Avril, les chocolats sont à l’honneur avec Pâques, aussi ai-je eu envie de partir à la rencontre du chef chocolatier de Pillon. Pillon à Toulouse est très connue et ravie les papilles des toulousains avec ses pâtisseries et ses chocolats. Mais, qui est celui qui se cache derrière les chocolats ? C’est Luc Capus, 40 ans, qui est à la manœuvre avec toute son équipe. Pas facile de voir ce tarnais, né à Castres, qui est marié et papa de deux garçons. Pour le rencontrer il faut s’inscrire aux ateliers chocolat qui ont lieu à la boutique de la rue du Languedoc. Mais c’est dans le laboratoire là où il œuvre à la création et à la production des chocolats qu’il a accepté de répondre à mes questions !Quel est votre formation ? J’ai fait l’école hotellière de Mazamet, ou j’ai passé un BEP puis un CAP cuisine avec une formation complémentaire en pâtisserie. A Mazamet il y a un MOF chocolatier, JF Castagné, c’est là que j’ai fait mon apprentissage, 2 ans en pâtisserie et 1 an en chocolaterie. J’étais jeune et avec le recul, je ne me rendais pas compte que je travaillais des produits d’exception !

Vous avez toujours voulu faire ce métier ? J’ai toujours adoré les odeurs, les gouts, ce qui m’a amené à être intéressé par les métiers de bouche au sens large. Je me souviens de l’odeur des plats que ma grand-mère laissait mijoter sur la cuisinière à bois. Je me souviens également du gout des pignons de pins frais que je ramassais et que je cassais pour les manger sur le chemin de l’école. J’ai mis des années à réaliser un « bonbon » qui avait ce gout, mais j’y suis arrivé !

Votre famille était dans les métiers de bouche ? Pas du tout ! Mes parents habitent Réalmont, mon père travaillait aux ponts et chaussées et ma mère était clair de notaire, rien à voir donc. Dans la fratrie, je suis le seul à avoir été tenté par cette filière puisqu’un de mes frères travaille à La Poste et l’autre vent du bois.

Quel est votre parcours professionnel ? Ma formation en poche, je suis parti j’ai fait le choix d’aller dans des maisons ou je pourrai apprendre à toucher de belles matières.

Je suis rentré comme ouvrier chez Ladurée, j’ai commencé par travailler sur les entremets puis j’ai fait tous les postes. Après 3 ans je suis devenu chef de poste aux entremets, et j’y suis resté 3 ans. Cette expérience m’a permis d’apprendre de nombreuses techniques et à travailler en grosse quantité. Durant ces années, j’ai pris conscience de l’importance des produits. Après 6 ans j’avais envie de voyager de partir aux Etats Unis, j’en ai parlé à mon patron, et comme dans ces métiers tout le monde se connait, il m’a mis en relation avec l’ancien chef pâtissier d’A Ducasses. Ce dernier cherchait un chef pâtissier pour l’ouverture d’un casino palace, le Wynn à Las Vegas.

Je suis parti à Las Vegas, au-delà d’une expérience professionnelle ça a été une expérience familiale. En effet mon épouse qui travaillait dans la haute couture a laissé son travail et nous sommes partis avec notre fils. J’en étais persuadé mais ça m’a confirmé qu’ailleurs aussi il y a des choses intéressantes, j’ai « découvert » les muffins, les cookies ! J’ai beaucoup appris de cette expérience, en termes de management, d’ouverture d’esprit. Après quelques années Monsieur Wynn me propose de partir pour Macao ou il ouvrait un nouveau casino-hôtel.

J’ai accepté et toute la famille est parti pout Macao, j’étais chef pâtissier. Cette expérience a été passionnante, j’ai travaillé avec des chefs asiatiques, chinois ou japonais, on échangeait beaucoup sur les autres façons de cuisiner. Le chef japonais disait qu’un plat devait éveiller tous les sens, qu’il fallait accepter le rythme de la nature et ne pas vouloir tout contrôler. J’ai beaucoup travaillé les fleurs, les épices, les textures durant ces années, et puis tout doucement je me suis remis à travailler le chocolat, avec plaisir.

Après toutes ces années à l’étranger pourquoi rentrer ? Nous avons décidé de rentrer pour les enfants qui grandissaient, mon épouse et moi souhaitions qu’à partir d’un certain âge, ils aillent à l’école en France… Et je me suis rendu compte que professionnellement, quand on part, on part avec ses acquis, mais a un moment on est dépassé, le train est loin devant…

C’est facile de rentrer ? C’est surtout déstabilisant ! On ne pense plus comme ceux qui sont restés, il y a un vrai décalage d’état d’esprit, de méthode de travail. Il faut 1 an, 1 an ½ pour vraiment se remettre dans le bain au niveau des idées et au niveau du travail.

A votre retour en France, rentré dans le Sud-Ouest c’était un souhait ? Ça a surtout été une opportunité, une belle opportunité que nous avons saisie. Alors que j’étais encore au Etats Unis, Marc Della Siega qui était et est toujours chef de production, m’avait fait une offre que j’avais décliné ! Lorsque j’ai souhaité rentré en France, il cherchait toujours, c’est comme ça que je suis rentré chez Pillon, j’avais vraiment envie de me « consacrer » au chocolat !

C’est une chance, et vous êtes resté ! Oui, bien sûr, ça fait maintenant 3 à 4 ans que j’y suis, et aujourd’hui je suis chef de production chocolaterie. J’ai trouvé ici, une envie d’évoluer avec un bon niveau, les équipes sont en marche. Et quand quelqu’un arrive dans l’équipe, pendant 3 à 4 mois, quelqu’un travaille avec cette personne pour qu’elle comprenne les méthodes, les exigences.

Comment résumeriez-vous votre métier ? Ce sont des temps de créativité et des temps de production, c’est un ensemble, c’est ce qui est intéressant. Sans le côté créatif, il n’y a pas de production et sans production, ce que l’on a créé ne voit pas le jour ! C’est un métier très prenant, lorsque je suis en phase de création, j’y suis à 100%, j’y pense tout le temps même à la maison, même le week-end, je suis absent du quotidien.

Qu’est-ce qui est plus difficile ? Il y a bien sur des moments plus difficiles, quand par exemple on fait des séries d’enrobages. Ce qui est difficile, ce n’est pas l’enrobage en soit, c’est le geste répétitif. Mais il est indispensable pour être efficace. Et surtout tous les efforts sont récompensés, on en tire toujours quelque chose de positif.

Que préférez-vous ? J’aime la possibilité que ce métier donne de s’exprimer à travers des gouts, sans doute parce que je préfère m’exprimer avec des gouts qu’en parlant ! Chaque recette créée doit amener une réaction, je n’aime pas la remarque « bof ».

Pourquoi avoir définitivement laissé la pâtisserie pour le métier de chocolatier ? Définitivement, je ne sais pas, on ne peut savoir ce que l’on voudra faire dans 10 ans… Pâtissier et chocolatier, ce sont des métiers à la fois proches par certains aspects mais très différents. Le monde de la pâtisserie, c’est intense ! Dans le chocolaterie, l’approche est plus posée, plus réfléchie, même s’il y a des coups de stress et des tensions, on est plus dans la planification. Peut-être étais-je arrivé à un âge ou j’avais plus envie de ça !

Aimeriez-vous que l’un de vos fils suive votre voie ? Aujourd’hui ils sont jeunes… Mon épouse cuisine beaucoup et les enfants aiment participer. S’ils veulent faire ce métier pourquoi pas, mais c’est un métier qui demande des sacrifices, si on n’est pas prêt à en faire, il faut trouver une autre voie.

Vous êtes gourmand ? J’ai gouter, je suis curieux, mais je ne suis pas glouton ! J’aime les bonnes choses. Je suis très sensible aux odeurs, d’ailleurs je travaille beaucoup avec le nez.

Quel est votre plat préféré ? Des pâtes fraiches cuisinées avec une sauce simple, à base d’ail, de roquette.

Quel est votre pâtisserie préférée ? Je suis très difficile en pâtisserie, j’ai un esprit critique très développé, et quand je mange un gâteau je suis dans une forme d’analyse technique ! J’aime les pâtisseries simples. J’aime beaucoup la tarte aux pommes faite avec un bon feuilletage et une légère couche de compote de pomme Canada. Je me méfis des desserts trop sophistiqués, j’ai toujours la crainte que l’intérieur ne soit pas à la hauteur de l’intérieur.

Quel est votre cru de chocolat préféré ? J’aime beaucoup le Madong de Papouasie Nouvelle Guinée, il a un gout de cuir qui rappelle le sous-bois, l’herbe fraichement coupée.

Quelle est votre « bouchée » ou « bonbons » préféré ? Je peux répondre sans réfléchir, le bonbon que j’ai réalisé avec des pignons de pin, dont je vous ai parlé tout à l’heure. Il a pour moi le gout, les saveurs de l’enfance.

Qu’est-ce que vous n’aimez pas mangé ? Je n’aime pas les blancs d’œuf, les fromages forts à cause des odeurs. Je dirais que de façon générale, je n’aime pas les plats ou le produit est gâché, pas mis en valeur.

Quel est votre plus ancien souvenir gustatif ? Le poulet de ma grand-mère ! Il cuisait des heures sur le feu de bois, il avait une texture, un gout, une odeur exceptionnels. C’était une cuisson longue, hors du temps.

Quels sont les chocolatiers et pâtissiers que vous admirez le plus ? Dans ce métier, il y a des personnalités bien trempées, aussi il est difficile de donner un nom ! Dans chaque personnalité, il y a quelque chose d’intéressant dans l’approche du travail et c’est ça le plus passionnant, c’est pourquoi j’aime beaucoup échanger avec d’autres professionnels. Ceux qui m’ont le plus marqué, sont ceux qui m’ont formé. Je suis curieux et je goute dès que je peux ce que font les autres.

Un grand merci à Luc Capus pour cette rencontre et pour la recette du  Brownie qu’il a accepté de me livrer pour Mamscook.

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