Rencontre avec Michel Thomaso-Défos, pâtissier, chocolatier, glacier à ALBI

IMG_6190 (2)J’ai découvert Michel Thomas-Défos en goûtant ses chocolats chez des amis Tarnais. Ils m’ont conquis, et vous me connaissez, j’ai souhaité découvrir qui se cachait derrière les chocolats. Je suis partie à sa rencontre et j’ai découvert un homme hors du commun avec un parcours de vie incroyable, passionné par son métier, par la vie. Vous pouvez découvrir ses produits au marché couvert d’Albi où il occupe une loge (0679867095). Vous pouvez également visiter son musée, le Musée Art du chocolat à Lisle sur Tarn (0563336979).

Il a accepté de me recevoir dans son laboratoire où nous avons discuté tout un après-midi dans l’odeur des Panettones en train de cuire.

Pourquoi et comment avez-vous décidé de faire ce métier ? « La réponse est simple : je ne décide rien ! »

C’est un peu court, pouvez-vous m’expliquer ? « Oui, mais attention, c’est Zola et c’est un peu long ! Pour cela, il faut que je remonte à ma petite enfance car c’est là que tout se joue.

Je suis né au Breuil, c’était une cité minière d’Albi, nous étions quatre enfants. Mon père pendant la guerre travaillait à la mine la nuit et dans une boulangerie la journée. En 1946 alors que j’étais à Lacaune dans un aérium (sorte de sanatorium), mon frère et ma sœur ainés sont venus me chercher en train, notre mère était morte dans un accident de voiture. Çà a bouleversé nos vies. Mon père incapable de s’occuper de 4 enfants garde les deux plus grands avec lui et met les deux plus jeunes, moi et mon frère, à l’orphelinat Saint Jean à Albi. Un an plus tard mon petit frère meurt d’une crise d’appendicite mal soignée, et je reste seul… Cependant mon père était logé à l’orphelinat en échange de quoi il y faisait le pain tout en travaillant ailleurs.

C’est en 1950 que ma vie d’enfant prend un nouveau tournant. Mon père rencontre une femme, vendeuse en confiserie, ils se marient, et je quitte l’orphelinat pour partir vivre avec eux. A cette époque à je suis à l’école la journée le reste du temps (le jeudi, le week-end et le soir) j’aide mon père.

Ma scolarité se passe bien, je suis un bon élève. Mais en seconde, accident de parcours avec la découverte de la vie, l’intérêt porté aux filles va grandissant proportionnellement à la moyenne scolaire qui fait en baissant! Mon père décide que j’arrête les études et me dit : fais ce que tu veux mais si tu fais pâtissier c’est mieux. Le message était clair C’est ce que j’ai fait. »

Un autre métier vous aurez plu ? « Oui adolescent, imprimeur ou même peintre en bâtiment (mon parrain était peintre enbâtiment) Plus tard animateur radio aussi…. . Je n’ai pas eu le choix de mon orientation, comme on dit aujourd’hui, mais je me suis passionné tous les jours pour mon métier en essayant toujours d’aller plus loin ! »

IMG_6186 (2)Donc vous démarrez votre apprentissage ? « Oui je signe le 1er janvier 1956 un contrat d’apprentissage chez mon père. A l’époque on me regardait de haut, j’étais le fils du pâtissier qui vendait sur les marchés (Albi et Réalmont), même si nous avions un laboratoire et un pas de porte en ville… Je passe mon CAP et je finis classé premier du département. »

Devant cette réussite, vous ne passez pas d’autre concours ? « Á cette époque les métiers manuels n’allaient qu’au CAP. J’étais très pris par le travail journalier mais dès que j’avais un peu de temps je faisais des essais, je testais des recettes pour évoluer… C’est comme çà que je me suis mis à travailler le sucre, tout seul avec un bouquin, pour présenter une pièce à la coupe de France de la pâtisserie.

A quel moment quittez-vous votre père ? « D’une certaine façon jamais ! Lorsque mon père prend sa retraite il me donne l’entreprise en gérance, laboratoire et boutique situés rue Croix de la Paix et loge au marché. J’ai réalisé que même avec une bonne réputation mon avenir ne pouvait pas ce jouer à cet endroit par trop éloigné du centre ville.

C’est à ce moment que vous ouvrez la boutique bien connue des albigeois située avenue du Général de Gaulle ? « La genèse du projet a été longue. J’ai « vendu mon projet » à la banque alors que je n’avais pas d’apport et que mon père qui n’était pas d’accord avec mes choix refusait de se porter caution… Avec mon épouse nous nous sommes beaucoup endettés, nous souhaitions une réalisation « élégante » forcément coûteuse, çà n’a pas été facile. Finalement en 1986 on ouvre, moi au labo et mon épouse à la boutique. »

Le succès est au rendez-vous immédiatement ? « Pas tout à fait, c’était grand, luxueux, lumineux, les clients n’ont pas suivi, ils ont pensé qu’ils allaient payer tout très cher. En clair c’était trop beau et on n’y avait jamais pensé ! Alors il a fallu du temps mais finalement le succès a été au rendez sous. A cette époque je reprends des cours. Du dimanche au mercredi je pars à Yssingeaux à l’Ecole Nationale de la Pâtisserie où j’apprends à travailler le chocolat, les glaces avec des Meilleurs Ouvriers de France. Le reste de la semaine je travaille au laboratoire, je mets en pratique les acquis.

Vous tentez le concours de MOF ? « Oui. Durant ces cours à Yssingeaux, les MOF avec lesquels je travaille me poussent en me disant que je dois le passer, que je suis prêt. Je me suis décidé et je me suis préparé seul dans mon laboratoire. Puis avec mon épouse nous sommes partis à La Roche sur Yon pour les éliminatoires du concours MOF glacier en 1989. Je n’ai pas été sélectionné pour participer à la finale.

Qu’avez-vous retiré de cette expérience ? « Le fait d’y être allé a été formidable, très stressant aussi, surtout en aucun cas dû au hasard, c’est un besoin de dépassement inscrit en moi depuis toujours qui me met en chemin. J’y suis allé dans l’esprit de l’artisan qui veut progresser et j’ai progressé même si je n’ai pas été sélectionné. »

Vous avez vendu votre magasin il y a quelques années ! Oui à 59 ans, c’est un agent immobilier qui me l’a proposé et nous avons dit oui avec mon épouse. Nous avons vendu notre maison à Michel Belin, c’est un hasard. J’ai continué à travailler pendant un an dans le laboratoire et puis j’ai arrêté. Après la clôture des comptes de la société sur les « conseils de mon conseiller fiscal » j’ai placé l’argent de la vente, en banque, en un an nous avions perdu la moitié de la somme engagée. Il a fallu réagir car le travail en famille ne constitue pas une retraite décente.

C’est comme ça que vous avez créé le Musée Art du Chocolat ? « Oui, ma femme est la gérante du musée, moi j’ai fait les sculptures et j’assure les fabrications de la boutique du musée. Avec Casimir Ferrer, un artiste Tarnais nous avions déjà réalisé une exposition de sculptures en chocolat qui avait eu du succès, de là l’idée de créer un musée. Je me suis enfermé 6 mois dans mon laboratoire et en 2001, le musée a ouvert ses portes. Nous sommes au cœur de la bastide de Lisle sur Tarn sur la magnifique place centrale aux arcades de briques roses.

Pourquoi Lisle sur Tarn ? « La vente de notre maison était conditionnée par l’acceptation d’une clause de non concurrence, qui m’interdisait pendant 7 ans de me réinstaller à moins de 20 km d’Albi. Notre choix s’est porté sur Lisle sur Tarn. »

Vous êtes toujours au marché couvert d’Albi ? « Oui ! Je suis un retraité, auto-entrepreneur. Au marché couvert je vends des chocolats, des galettes, des navettes albigeoises… et des panettones. »

IMG_6182 (2)Racontez-nous cette aventure du panettone ? Pourquoi vous être mis à faire des panettones ? « Mon épouse a acheté un panettone pour un petit déjeuner, c’était un produit industriel mais j’ai été intrigué par cette pâtisserie. Pour avoir des réponses à mes interrogations je me suis inscrit à un stage consacré uniquement au panettone, sous la conduite du Maître italien Rolando Morandin. Rentré chez moi j’ai galéré une longue période avant de voir naître enfin un panettone digne de ce nom et digne surtout de mon Maître. Arrivé à ce stade je suis allé le rencontrer chez lui à Saint Vincent d’Aoste, à vélo à partir d’Albi. Ma femme qui était venu me chercher pour le retour avait amené un de mes panettones pour qu’il juge mon travail et aussi ma persévérance car tous les autres stagiaires ont abandonné devant la complexité et les contraintes subies.

J’en déduis que c’est compliqué de faire un panettone ? « C’est toujours pareil, tout dépend de la qualité de ce que l’on souhaite faire. Si je fais un panettone avec des poudres pré-élaborées c’est facile ! Mais j’ai choisi la qualité. J’entretiens le levain tous les deux jours que je fasse ou pas des panettones. Il me faut une semaine pour en faire une fournée avec un travail quasi quotidien. J’utilise de la vanille de Tahiti bien meilleure que la vanille Bourbon. Les oranges viennent de Provence… d’excellentes amarénas , et de la farine italienne. »

Vous avez passé votre vie à travailler, à vous passionner pour votre métier et à relever des défis, avez-vous eu le temps pour autre chose ? « Oui, heureusement. J’ai découvert le jazz, la musique classique, l’opéra, je vis et je travaille avec Bach, Mozart, Puccini…comme vous avez entendu en arrivant. Toutes les expressions artistiques m’intéressent. J’oubliais, la littérature et la poésie, indispensables. C’est une aventure de l’esprit que j’ai fait seul.

Un baptême de l’air m’a motivé pour passer mon brevet de pilote. J’ai fait deux fois le chemin de Saint Jacques en solitaire à vélo. J’ai fait du cheval avec un ancien officier du Cadre Noir qui m’a beaucoup appris… Vous voyez, je n’ai pas fait que travailler ! Mais quand je fais quelque chose je le fais à fond. »

Et la famille ? « Vous l’avez compris, ma femme est à mes côté. J’ai une fille elle est méticuleuse, travailleuse, intelligente. Pour l’instant reprendre la suite n’est pas dans son programme, même si je dois dire que j’aimerais. »

Quelle est votre pâtisserie préférée ? « Quelque chose de simple comme un bon mille feuilles, et j’aime beaucoup le gout du praliné. »

Quelle dessert n’aimez-vous pas ? « Dans certains restaurant on sert des desserts un peu gélatineux, je n’aime pas, j’ai l’impression de manger de la colle. »

Que préférez-vous faire ? « Je n’ai pas de préférence, sinon je ne le ferais pas ! »

Quel est le plus difficile dans votre métier ? « Il n’y a rien de difficile, c’est une question de volonté, c’est dans la tête. On n’a pas la vie de tout le monde c’est certain, mais on ne se pose pas la question, on n’y pense pas. »

Quel est le plus positif dans votre métier ? « Je fais tout pour satisfaire mes clients. Quand on me passe une commande, je mets de la pensée et du coeur dans ce que je fais, je personnalise mon travail en fonction des éléments personnels que je possède. Alors quand mes clients me disent qu’ils sont satisfaits, je suis heureux. »

Qui vous impressionne dans votre métier ? « A Toulouse il y avait la maison Pillon, c’était un Monsieur, un vrai professionnel qui était dans son laboratoire et savait de quoi il parlait. Autrement à Paris il y avait les maisons Pelletier, Lenôtre, vous voyez je parle au passé…. »

Michel Thomaso-Défos a accepté de nous confier un tour de main, merci Monsieur pour le temps que vous m’avez consacré et pour ce tour de main!

Recette de la meringue à l’italienne – tour de main qui évite la projection du sucre cuit sur les parois de la cuve du batteur

  • 200 gr de sucre
  • 50 gr d’eau
  • 100 gr de blanc d’œuf

Dans une casserole mettez l’eau et le sucre et portez à ébullition jusqu’au « gros boulé » soit 120°.

Pendant ce temps mettez les blancs d’œufs dans la cuve de votre robot. Battez quelques instants les blancs au fouet à la main afin de les casser. Dès la cuisson du sucre obtenue

versez le rapidement sur les blancs en battant au fouet à la main quelques secondes puis mettez votre cuve au batteur à pleine vitesse. Laissez monter la meringue jusqu’à ce qu’elle devienne très ferme et froide.

La meringue italienne sert à faire une tarte meringuée, une omelette norvégienne. Permet d’alléger une crème.

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