Rencontre avec Laure et Vianney Benoist, gérant du Château CANADEL à Bandol

310[1] (2)Alors que les vendanges se terminent et que la vinification est déjà bien avancée sur les terroirs, dans les chais de notre beau pays, je vous emmène en Provence. Nous partons à la rencontre de Laure et Vianney Benoist au cœur de l’appellation Bandol, au Château Canadel, 98 chemin du canadeau 83330 Le plan du Castellet (0494984010)

L’appellation d’Origine Contrôlée « vin de Bandol » date de 1941, mais on faisait du vin sur ce terroir il y a bien longtemps comme en témoignent certains écrits du Moyen Age. Les 1500 hectares de l’appellation Bandol se répartissent entre 60 domaines indépendants et 4 caves coopératives. La production est pour plus de 60% du rosé, pour plus de 30% du rouge le reste étant du blanc.

C’est dans ce terroir provençal en bordure de la méditerranée sur un site exceptionnel que se trouve Château Canadel. Ce domaine, c’est une colline de 15 hectares en restanques, ces murets en pierres sèches qui soutiennent la culture en terrasse. Le site de Canadel tire son nom de l’eau. Sur les pentes de ce cirque naturel l’eau qui s’infiltre rejaillit un peu partout dans des sources naturelles. Cette eau a été canalisée au fil des années par des bergers, des vignerons et aujourd’hui elle court sur le domaine dans des canaux qui lui ont donné son nom. Le «canal d’eau» a donné canadeau puis canadel.

Le domaine vous appartient?

Vianney: C’est une histoire de famille. En 2007 les parents de Laure alors à la recherche d’une grande propriété de famille tombent sous le charme de ce domaine. Un petit hameau au milieu des vignes. Mais aucun vin n’est produit alors à Canadel, la vigne est entretenue et le raisin vendangé est vendu au Domaine Ott. Ils ont rapidement pris conscience de la valeur de ce terroir et nous ont demandé si nous étions d’accord pour créer le Château Canadel.

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On ne s’improvise pas vigneron, quel est votre formation Vianney? Moi je suis fils d’agriculteur, mes parents avaient une ferme en Seine et Marne, ou ils cultivaient le blé, la betterave. C’est mon frère qui a repris l’exploitation, et il n’y avait pas de place pour deux. J’aime la terre, son odeur, pour moi travailler la terre a toujours été une évidence. En 3ème, au moment de l’orientation, j’avais rêvé à la vigne au travail du vin mais à l’époque je pensais que seul un fils de vigneron pouvait avoir cette opportunité. Alors j’ai continué mes études et j’ai fait l’école d’agronomie de Beauvais.

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Et vous Laure? Mon père est réunionnais, c’est là-bas que j’ai grandi au milieu des champs de cannes à sucre, en pleine nature. J’ai très tôt été curieuse de comprendre comment les choses arrivaient dans mon assiette. La nature, l’alimentation m’ont tout naturellement décidé à faire des études d’agronomie, durant lesquelles j’ai finalement fait mes stages en grande distribution, rien à voir! C’est à l’école d’agronomie de Beauvais que nous nous sommes rencontrés avec Vianney, nous étions de la même promotion.

 

Comment avez-vous réagit à la proposition des parents de Laure?

Vianney: Après nos études nous nous sommes mariés puis nous sommes partis vivre au Maroc ou je vendais des semences. En 2008, c’est la crise et je me retrouve au chômage. Les parents de Laure nous proposent de nous installer au domaine le temps de retrouver un emploi.

Laure: Au départ quand mes parents achètent le domaine, ils n’est pas question que nous, les enfants, nous gérions le domaine, au contraire le travail et les affaires en famille sont plutôt des choses qu’ils souhaitaient éviter. Et puis un jour dans la cuisine mon papa m’a demandé si reprendre le domaine pouvait intéresser Vianney… Nous avons réfléchi et puis oui nous nous sommes lancés mais travailler en famille ce n’est pas simple il faut que tout soit posé clairement, c’est ce que nous avons fait.

Vianney: Pour nous, la proposition de reprendre le domaine et de créer le Château Canadel a été une formidable opportunité, nous nous sommes lancés dans l’aventure. C’est une aventure de famille. Nous avons aujourd’hui 4 enfants qui vivent dans un cadre exceptionnel au rythme de la nature des saisons. Nous savons que nous nous sommes posés ici, à vie sans doute!

Le château Canadel a-t-il vu le jour rapidement?

Vianney: Le terroir existait, la vigne était là mais le Château Canadel n’existait pas en tant que tel. Nous avons apprivoiséIMG_4480 (2) cette terre, appris à la connaitre à la ressentir. Pour cela, pendant 5 ans nous sommes devenus des ouvriers de la vigne. En 2009 j’ai repris mes études en suivant pendant 18 mois une formation en œnologie à Montpellier et à Bordeaux. Puis en 2010 et 2012 j’ai fait des stages de vinification au Domaine Tempier. Mais pendant tout ce temps, nous préparions la suite, la création du chai et la naissance du premier millésime.

Laure: A cette période, nous avions déjà 3 enfants, j’étais salariée à mi-temps du domaine. J’ai travaillé dans les vignes et j’ai appris avec les ouvriers, la taille, l’ébourgeonnage, la vendange… C’était important pour moi, pour nous. Et puis j’ai pris en charge la gestion, la comptabilité.

Dans cette nouvelle vie, qu’est ce qui a été le plus difficile?

Vianney: Je connaissais le monde des céréaliers de mes parents, le monde de la vigne est différent c’est une autre philosophie, d’autres mentalités auxquelles il a fallu s’habituer. Ici chaque action s’inscrit dans la durée et engage pour des années des décennies il n’y a rien d’instantané. Le choix d’un cépage, d’un porte greffe nous engage pour 50 ans. La première taille de la vigne engage les 50 ans qui suivent. Et depuis le lancement des premières bouteilles, je suis moins dans les vignes, je dois davantage être à la gestion du domaine. Pour moi la gestion des ressources humaines est quelques fois difficile, il faut savoir gérer les conflits, et que chacun se sente bien à son poste.

Laure: Dans un premier temps, il a fallu changer de projet de vie et devenir d’une certaine façon casanier alors que nous avions la volonté d’être globetrotteur. Mais je crois que ça a été plus difficile pour moi que pour Vianney. Dans un second temps le lancement de Château Canadel a été un énorme bouleversement. Depuis 1 an nous avons mis notre vie personnelle entre parenthèses, nous n’avons pas compté les heures. Il n’y a plus de week end ni de vacances. C’est un peu comme l’arrivée d’un nouveau-né. D’ailleurs nous disons souvent que c’est notre cinquième enfant! Il y a eu aussi des moments difficiles, au printemps quand Vianney faisait les salons pour faire découvrir notre vin, j’organisais la garde des enfants et finalement j’étais seule à la cave et je ne voyais personne…

A contrario qu’est ce qui a été le plus facile?

Vianney: Le bonheur de travailler la terre sur ce site d’exception et puis mes beaux-parents nous ont laissé une entière liberté, nous ont fait totalement confiance. C’est une lourde responsabilité qui pèse sur nos épaules mais c’est formidable. Et puis il n’y a jamais de routine. Nous avons ces dernières années travaillé avec des architectes, travaillé la vigne, créé des étiquettes, un site web, nous animons une page FB…

Laure: On y met beaucoup d’énergie mais on a la chance de vivre l’aventure en famille. On travaille tous les deux à la cave ou dans les vignes, voire même parfois avec les enfants le mercredi ou pendant les vacances scolaires.

Comment les autres domaines vous ont-ils accueillis?

IMG_4470 (2)Vianney: Plutôt bien, je pense que nous avons fait nos preuves en travaillant dans les vignes. Le fait d’avoir fait des stages au Domaine Tempier m’a également beaucoup appris et fait connaître les autres domaines de Bandol. A Bandol il n’y a que 3 ou 4 domaines qui ont plus de cent ans, alors oui nous sommes le dernier né mais d’autres sont jeunes également.

Quels sont les cépages du domaine? Le Mourvèdre représente à peu près 65% du terroir du domaine. Ce cépage est «Le» cépage de Bandol, l’encépagement doit être entre 50% et 95% Mourvèdre pour avoir l’AOC. Le Cinsault représente 30% et le grenache 5%.

Votre vin est-il bio?

Vianney: Pour traiter, nous n’utilisons que du souffre et du cuivre et nous commençons à semer de l’herbe entre les rangées de vignes afin d’aérer le sol, de lui donner de la vie. Tout cela fait que notre vin est bio. Je ne voulais pas le revendiquer parce que c’est beaucoup de paperasses et que ça ne changera rien à notre façon de faire, à notre exigence mais finalement nous allons faire les démarches.

A côté des foudres dans le chai, il y a des amphores, pourquoi?

Vianney: C’est un test que nous avons souhaité faire. Dans le foudre le vin est micro oxygéné et il se marie avec les tanins du bois. Dans l’amphore il y a beaucoup d’oxygénation mais il n’y a pas l’apport du bois. Le vin n’y restera que 6 mois justement parce que l’oxygénation est très importante. L’idée est de faire 400 bouteilles d’un vin rouge 100% Mourvèdre élevé en amphores, n’étant pas passé en foudre il n’aura pas l’appellation Bandol mais l’expérience est sympa!

Que pouvez-vous nous dire de la première cuvée Château Canadel?

Vianney: C’est le millésime 2014 et c’est beaucoup d’émotion. Nous avons sorti 30000 bouteilles de rosé et nous sortirons IMG_4495 (2)30000 bouteilles de rouge. Nous envisageons à l’avenir de faire du blanc, pour avoir les 3 couleurs. Le rosé a été à la vente dès 2015, le rouge sera en vente à partir de mai 2016. En effet pour avoir l’appellation Bandol rouge, il faut que le vin soit élevé 18 mois en foudre de chêne. Il y a une vrai typicité au Bandol rouge, le terroir s’y exprime plus que dans un rosé, mais cela pose un problème de trésorerie car il y a une immobilisation de 18 mois, c’est sans doute pour cela qu’il y en a peu. Nous sommes très fiers puisque notre premier millésime de rosé, celui de 2014 a été élu coup de cœur du guide Hachette des vins et notre rouge 2014 fait partie des révélations dans les incontournables de la Revue des Vins de France

Laure: Je me souviendrai toute ma vie de ce mercredi 3 septembre 2014 ou la première remorque est partie, c’est un moment unique très émouvant. Et puis il y a eu la première bouteille Château Canadel, on ne l’oubliera jamais. Nous avons un vrai souci qualitatif alors être reconnu dès le premier millésime a été une belle récompense.

Vous avez décidé de mai à septembre, une fois par mois d’organiser «les samedis de Canadel» pouvez-vous m’en dire plus? Nous avons souhaité une fois par mois faire découvrir notre domaine.

Vianney: Cette découverte se déroule en 3 temps. Une heure de ballade dans les vignes ou je fais découvrir aux visiteurs les cépages, le terroir et ce merveilleux site. Une heure de visite de la cave ou j’explique la vinification, l’élevage du vin. Puis une dégustation autour d’un buffet convivial préparé par Laure avec des produits du terroir et de saison.

Laure: C’est un concept qui nous ressemble, c’est familiale, c’est convivial, nous reprendrons l’été prochain c’est certain. Nos enfants attendent ce samedi du mois avec impatience…

Quels conseils de dégustations pouvez-vous nous donner?

Vianney: Une dégustation entre amis dans la convivialité parce que c’est essentiel. Avec le rosé je vous conseille de déguster du thon snacké, du rouget grillé, du chèvre frais et même de la cuisine thaï. Avec le rouge, il faut aller vers des mets plus corsés comme de la daube de sanglier, du taureau.

Laure: Surtout ne buvez pas le rosé trop froid, 10/12°c’est bien, au-dessous on perd les arômes et c’est dommage. Notre rosé est un rosé gastronomique qui s’accompagne d’un plat!

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 Je remercie Laure et Vianney pour leur gentillesse et leur disponibilité. Le premier millésime est un coup de maitre que je vous invite à découvrir. Leurs passions pour la terre, la vigne, Château Canadel sont communicatives.

 

 

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